Janvier 2015. Au cœur des océans, leurs communautés vivent en paix. Leurs cultures sont riches et leurs dialectes encore non traduits. Leur sagesse devrait être source d’inspiration. Pourtant, trop souvent, nous sommes les envahisseurs, les tortionnaires, les kidnappeurs. Et ils savent ce que nous leur faisons.
Ils parlent
Les vocalises des cétacés sont extrêmement complexes. Chez les dauphins et les orques, une signature vocale associée à chaque individu a l’usage d’un prénom. Ils peuvent ainsi s’interpeller de très loin. Leur mode de communication s’apparente à un langage avec des dialectes spécifiques à certaines communautés. Certains scientifiques s’y intéressent de près. C’est le cas notamment du Dr Denise Herzing (Wild Dolphin Project) qui suit une communauté de dauphins tachetés de l’Atlantique et de grands dauphins depuis 1985. Elle compare leurs clics à nos phonèmes et a pour projet de pouvoir réellement communiquer avec eux. Aujourd’hui, certains échanges d’informations sont déjà possibles grâce à un clavier spécialement conçu. Les dauphins ont prouvé par le passé qu’ils étaient capables de comprendre plus de 100 mots et des structures de phrases différentes lorsqu’on leur demandait quelque chose. Mais le Dr Herzing veut que les dauphins aussi puissent demander des choses. Elle travaille aujourd’hui à co-créer avec eux un langage qui intégrerait des séquences de sons qu’ils utilisent naturellement…
Ils aiment
Les baleines à bosse peuvent nouer des amitiés durables. Elles vivent alors ensemble sans aucun lien de parenté alors que la plupart sont solitaires. Les dauphines quant à elles, préfèrent vivre leurs expériences en commun : elles se regroupent selon qu’elles soient adolescentes, enceintes ou jeunes mamans, ce qui leur permet d’échanger des services, comme un peu de babysitting… Les mâles eux, peuvent rester amis des années durant. Leur coalition permet de surveiller, protéger et défendre les autres dauphins et en particulier les femelles et leurs petits. Chez les orques, les liens du sang priment. Un groupe est constitué d’une mère et de sa descendance, mâles et femelles. La solidarité y est le maître mot. Les femelles s’assistent au moment de la naissance pour aider le nouveau-né à monter respirer à la surface. Si l’un des membres de la famille est en difficulté, tous s’organiseront pour lui venir en aide, comme pour Dian.
Ils sont cultivés
La culture n’est pas l’apanage de l’humain, ni même celle des grands singes. Les orques, par exemple, ont des méthodes de chasse différentes suivant la famille à laquelle elles appartiennent : en Antarctique, elles se regroupent pour faire des vagues suffisamment puissantes pour faire glisser les phoques de la banquise. Sur les côtes argentines, elles s’échouent à moitié pour les capturer sur la plage. Ce sont les mères qui enseignent ces techniques à leurs petits, allant jusqu’à reposer le phoque sur la glace pour qu’il puisse réessayer. Mais ces techniques ne sont pas la seule différence. Les communautés d’orques se distinguent aussi par leur régime alimentaire, leur comportement et même leur dialecte, au point qu’il est possible de déterminer d’où provient une orque rien qu’en l’écoutant « parler » — ce qui a d’ailleurs permis de retrouver la famille de Morgan, bien qu’elle n’en soit encore qu’au babillage classique à son âge…
Ils veulent communiquer avec nous
Les bélugas sont très sociables. Ils vivent en groupes d’une quinzaine d’individus constitués soit de mâles soit de femelles et leurs petits. Ces groupes se rassemblent en congrégations pouvant atteindre plusieurs milliers d’individus, qui chassent et migrent ensemble. Contrairement aux dauphins, leurs vertèbres cervicales ne sont pas soudées. Ils ont donc une certaine flexibilité au niveau du cou qui leur permet d’adopter différentes mimiques les rendant très expressifs. Mais leur caractéristique la plus étonnante tient à leurs gazouillis auxquels ils doivent leur sobriquet de canari. De tous les cétacés, ils sont ceux qui vocalisent le plus et de nombreux marins disent les avoir entendus parler. Dans les années 1980, Noc, un béluga captif de l’US Navy, à San Diego aux États-Unis, a même tenté d’imiter le langage humain. Il fut utilisé dans des expériences jusqu’à sa mort en 2007 et ce n’est que 5 ans après que l’on entendit parler de lui…
Ils inventent des jeux
Les dauphins sont connus pour leurs talents d’imitateurs. Tortues, poissons et plongeurs sont autant de sources d’inspiration. Un jeune dauphin captif qui avait vu un visiteur expirer sa fumée de cigarette est revenu face à lui un instant plus tard pour « expirer » à son tour un nuage de lait maternel… Des dauphins d’une espèce australe ont, quant à eux, été observés faisant une drôle de farce à des goélands : ils les attrapaient par les pattes et les entraînaient vers le fond quelques instants avant de les relâcher. Plus intriguant encore, dans la mer de Beaufort, on a pu voir des baleines boréales tenter de faire tenir en équilibre un tronc d’arbre sur leur ventre ou leur dos… (Source : www.baleinesendirect.org).
Ils sont liés
Certains cétacés – dont la baleine à bosse, l’orque, le dauphin et le béluga – ont 3 fois plus de cellules fusiformes que nous. Ces cellules ne sont présentes que dans le cerveau des humains, des grands singes et des éléphants. Elles seraient impliquées dans des fonctions telles que la conscience de soi et l’empathie. Quant au système limbique des cétacés – connu pour être le siège des émotions chez les mammifères – il est particulièrement développé et beaucoup plus volumineux que le nôtre, au point qu’un lobe supplémentaire dit paralimbique pénètre dans leur cortex. D’après le docteur Lori Marino, il est impliqué dans une fusion sans équivalent connu entre émotion et cognition, probablement un mélange de communication et de conscience que nous ne comprenons pas. Cette structure pourrait être impliquée dans une forme de conscience collective, un sens du Soi partagé, qui expliquerait notamment qu’aucun cétacé ne puisse abandonner un des siens et qu’il leur soit aussi difficile d’en être séparés… À bon entendeur.