Comment contraindre un dauphin à exécuter des tours dans un bassin ? En le tenant par son estomac ! Les dresseurs ont pour eux l’immense avantage d’être les seuls à savoir ouvrir la porte du congélateur. C’est en utilisant des poissons en guise de « récompense » auprès d’animaux affamés qu’ils obtiennent des résultats.
Conditionnement
A cela vient s’ajouter un conditionnement, dit « clicker training », directement inspiré des travaux menés par Pavlov avec les chiens. Il est à noter que les dresseurs canins qui emploient cette méthode soulignent qu’elle a été employée avec succès sur les dauphins.
Poisson et sifflet
Concrètement, le dresseur dispose de deux accessoires : un poisson mort et un sifflet. Lorsque le dauphin effectue correctement son numéro, il doit être aussitôt récompensé. Or, il est difficile de lancer le poisson avec précision. C’est alors que l’animal va associer la récompense a la dernière action qu’il a effectué.
Cerceau
Si, par exemple, le dresseur veut que le dauphin saute dans un cerceau, il ne doit pas attendre que le dauphin ait replongé pour lui donner le poisson. Auquel cas le dauphin penserait qu’il obtiendrait du poisson à chaque fois qu’il va sous l’eau, ce qui nuirait au spectacle.
Ventre vide
Donc au moment même ou le dauphin s’inscrit à l’intérieur du cerceau, le dresseur siffle. Cela signifie au dauphin « tu as réussi », le cétacé s’attend donc à recevoir un poisson, le dresseur lui lance alors la nourriture. Cela signifie, a contrario, que si l’animal n’effectue pas ce que l’on attend de lui, il demeure le ventre vide.
« Renforcement positif »
Il est à noter que cette méthode dite de « renforcement positif » est revendiquée par certains delphinariums en France. Certes, il n’est pas explicitement indiqué « nous tenons nos dauphins par la faim », ce qui ne serait pas un bon argument publicitaire, mais il y est décrit précisément comment chaque action est récompensée, ou non, par de la nourriture.
Illusion
Toutefois pour que le public n’ait pas le sentiment de voir des affamés prêts à faire n’importe quoi pour un bout de poisson, les delphinariums emploient des trucs efficaces pour entretenir l’illusion que le dresseur et l’animal s’entendent à merveille. Ainsi quand l’animal « embrasse » le dresseur ou bien « applaudit » ou bien encore hoche la tête aux questions, toutes attitudes basées sur l’anthropomorphisme, les spectateurs sont persuadés que le dauphin le fait avec joie.
L’armée aussi
Il n’y a pas que les delphinariums qui dressent les dauphins. L’armée aussi, et de longue date. Sans remonter jusqu’à l’Antiquité, le rôle de dauphins poseurs de mines a été décrit au cours de la Seconde guerre mondiale. Il se poursuit encore.
Ainsi, un document de la Cites, consacré au dauphins souffleur de la mer Noire indique : « L’Ukraine, alors qu’elle faisait partie de l’URSS, a capturé et dressé 70 dauphins souffleurs de la mer Noire pour les « Forces spéciales ». À la fin de la guerre froide, les animaux dressés n’ayant plus d’utilité, les militaires ont tenté de persuader les compagnies pétrolières qu’après un dressage complémentaire, les dauphins pourraient leur rendre des services .»
« En 1994, poursuit le document, un grand nombre de dauphins souffleurs de la mer Noire originaires des forces armées étaient gardés dans des conditions déplorables en Ukraine (anon., 1994). Le sort de ces animaux n’est pas connu, bien que trois ans plus tard, une vingtaine de dauphins souffleurs aient été intégrés dans des programmes thérapeutiques. » (Specter, 1997)