Au IIème siècle de notre ère, un poète grec, Oppien de Corycos écrivait : «… il y a bien longtemps, les dauphins étaient des hommes…». Cette allusion à une identité homme-dauphin se retrouve dans toute la mythologie grecque et trouve un écho dans d’autres cultures comme celle des aborigènes d’Australie qui pensent que l’homme descend du dauphin. En Amazonie, selon certaines croyances locales, les dauphins seraient capables de séduire les jeunes femmes. Ainsi certains humains seraient-ils des « fils de dauphin ». Le nom dauphin vient du grec delphus qui signifie la « matrice ». Aristote fut, en effet, le premier à classer les dauphins comme mammifères. Cette étymologie a été à l’origine du symbolisme de fertilité du dauphin. Ainsi n’est-il pas anodin que dans la chambre de la reine du palais de Cnossos, les murs soient décorés de petits cétacés. On retrouve également cette notion de parenté homme/dauphin dans la racine du mot grec adelphos signifiant le frère, « celui qui vient de la même matrice ». L’association, largement attestée, des hommes et des dauphins durant la pêche et les nombreux sauvetages d’hommes par les dauphins illustrent cette fraternité.

Ces sauvetages sont largement illustrés dans la mythologie grecque. Arion, poète et musicien, après avoir été jeté par-dessus bord, est ramené sur un rivage par des dauphins. De même Apollon se transforme en dauphin pour sauver l’équipage d’un bateau. Épisode à l’origine mythique du temple de Delphes où le dieu rendait ses oracles par la voix de la Pythie. Le dauphin, symbole du Sauveur, sera rapproché, tout comme la baleine, de l’Ichthus des Chrétiens. Autre particularité des dauphins, leur habitude de nager aux côtés des navires. Ainsi sont-ils considérés par toutes les cultures comme leurs gardiens et protecteurs. Par exemple, la déesse nabatéenne Al-Uzzá, protectrice des navires est-elle symbolisée par un dauphin. Ce rôle propitiatoire des dauphins a été étendu jusqu’à en faire des symboles de chance.

La fonction salvatrice du dauphin s’étend à celle de guide de l’âme dans l’au-delà. En effet le sauvetage d’Arion, évoqué plus haut, n’est métaphoriquement que l’image du passage d’un monde violent à celui de la félicité. Une pièce de monnaie à l’effigie d’un dauphin posée sur la langue des défunts leur assurait un voyage serein vers l’au-delà. De même, l’île des Bienheureux, le paradis celte, est rejointe par le défunt à dos de dauphin comme en témoigne la représentation sur le chaudron de Gundestrup.

S’il est un dieu grec auquel peut être identifié le dauphin c’est Hermès, fils d’Apollon et messager des dieux dont le rôle est de faire le lien entre la terre, le ciel et les enfers. Dieu psychopompe qui guide les âmes, il est le gardien des voyageurs. Il partage aussi avec le dauphin, une image juvénile et le goût pour le jeu. Ainsi le dauphin, dans une symbolique moderne, peut-il être considéré comme le messager de l’Océan. Les dauphins ambassadeurs qui viennent à la rencontre des humains, les échouages de plus en plus fréquents dus à la pollution sonore, sont autant de signaux d’alerte.